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Existent-ils des données, portant sur le niveau de confiance des populations des deux régions principalement Anglophones à l’égard de l’administration publique, le système et les institutions politiques, ainsi que leur sens d’attachement à l’identité nationale, avant le déclenchement de la crise? Et leurs avis à posteriori sur les principales causes de la crise ?

Source des Données: Module sur la Gouvernance, la Paix, et la Sécurité (GPS),

Intégré au 4ème Enquête Camerounaise Auprès des Ménages (ECAM-4), Institut National de la Statistique, 2014

Enquêtes Afrobaromètre, 2013 to 2018

Analyse des Données: Mireille RAZAFINDRAKOTO & François ROUBAUD, Sous la crise anglophone au Cameroun: frustrations politiques et défiance à l’égard des autorités publiques, Document de Travail IRD et UMR DIAL, Université Paris-Dauphine, décembre 2018, 22 pp.

data table

Note explicative sur les données :

En se basant globalement sur l’analyse des données suscitée, la tendance générale qui se dégage est que en 2014, juste avant le début de la crise au NO et SO, ces deux régions se démarquaient de manière très nette des autres régions du pays, quant à leur manque de confiance à l’égard de l’administration publique, le système et les institutions politiques, et exprimaient le plus de nuances quant à leur auto-identification en rapport avec à une seule identité (nationale). Systématiquement, sur tous les indicateurs dans cette gamme, les deux régions du NO et du SO en 2014, se montraient les plus critiques et ensemble, se démarquaient avec des taux d’insatisfaction bien au-dessus de la moyenne nationale.

La proportion de répondants exprimant une confiance limitée à l’égard de l’administration dans son ensemble était nettement plus élevée dans ces 2 régions (les 3/4) que la moyenne nationale (les 2/3). Et contrairement à d’autres régions, ceux des répondants qui ont effectivement eu un contact récent avec l’administration en sortaient moins confiant que ceux qui n’ont pas eu de contact. Certaines institutions clefs d’exercice du pouvoir public (la Police, la Justice, l’administration fiscale, l’Armée) ne bénéficiaient dans ces 2 régions que d’une confiance limitée, largement en dessous de la moyenne nationale. Si la confiance à l’égard du système éducatif était proche de la moyenne nationale, ces 2 régions étaient néanmoins les deux les plus critiques dans ce domaine.

Le fonctionnement du système démocratique dans son ensemble (représentation du peuple par ses élus) et de ses institutions, notamment l’Assemblée Nationale et l’organe électorale, faisait aussi l’objet de peu de confiance de la part des répondants dans ces 2 régions, et nettement moins que la moyenne nationale. Il est révélateur que la région du SO, pourtant 1ere sur le plan national en terme de réduction de pauvreté (18% d’incidence de pauvreté, ECAM-4, 2014) était la plus critique quant au fonctionnement de la démocratie (83% d’avis défavorables, GPS-SHaSA, 2014).

Sur le sentiment subjectif d’appartenance à une collectivité plus grande (ethnie, Nation), ces deux régions se distinguaient comme celles dans les lesquels les répondants se ressentaient « autant » de leur trait infranational (ethnique) que de leur trait national (Camerounais), et avaient de le peine à se situer uniquement en rapport avec leur trait national. Les données qui précèdent, mène les auteurs de l’analyse précitée à postuler qu’un sentiment profond d’insatisfaction avec l’administration et les institutions politiques était le trait distinctif que partageait ces 2 régions avant le déclenchement de la crise.

Les indicateurs portant sur la perception des habitants des régions du NO et SO (et du pays) sur les principales causes de la crise, évalués au cours de l’enquête Afrobaromètre de 2017, permettent de faire quelques constats. Si d’une part les répondants dans la région du SO pensent au même niveau que leurs paires au niveau national que l’absence de la décentralisation étaient une cause majeure de la crise (autour de 20% des répondants), ceux du NO le pense beaucoup moins (9%). Deux fois plus de répondants aux NO qu’au SO (26% contre 13%) voient plutôt la cause majeure dans un phénomène plus pernicieux qu’un simple retard dans le processus de la décentralisation : la sous-représentation des Anglophones dans les institutions publiques.

Il est aussi frappant qu’un pourcentage très élevé de répondants dans la région du SO (31% contre seulement 13% au NO) pensaient que la cause principale de la crise résidait dans la présence trop élevée de francophones dans l'administration (dans les régions du NO et SO). Ceci est important vu les conditions socio-économiques favorables, et le degré plus élevé d’urbanisation de la région du SO, qui aura probablement ressenti plus directement la croissance de fonctionnaires d’Etat francophones dans la région.