Yaoundé, le 13 Décembre 2019
Comprendre le cadre institutionnel de la Région au Cameroun : dans la perspective des Régions à Statut Spécial
NB : Ce document a été publié peu de temps avant le dépôt du Projet de Loi portant Code General des Collectivités Territoriales Décentralisées. Le présent document permet tout de même de voir ce que le législateur camerounais entendait par « la Région » dans l’agencement constitutionnel du pays, et ce qui devra être amélioré dans la mise en place d’un nouveau dispositif pour les Régions au Cameroun.
Cher Lecteur :
Depuis la tenue du Dialogue National sur la crise Anglophone, un intérêt accru est porté sur la question de savoir comment la proposition d’un Statut Spécial pour les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest en raison de leurs spécificités historiques, pourrait s’ancrer dans le dispositif institutionnel actuel du Cameroun. Outre l’article 62, alinéa 2 de la Constitution qui ouvre la faculté au législateur de « tenir compte des spécificités de certaines régions dans leur organisation et leur fonctionnement », les textes Camerounais n’offrent pas davantage d’éclaircissements.
Dans la présente note analytique, intitulée « Le cadre institutionnel de mise en place des régions au Cameroun, est-il propice à l’aménagement d’un Statut Spécial pour ses régions anglophones ? », nous invitons le lecteur à nous suivre dans une démarche à trois étapes. Dans la première, nous décortiquons la Région camerounaise, tel qu’elle est envisagée par les textes actuels, surtout la nature-même de l’institution régionale. Est-ce une structure autonome qui s’auto-régule, ou un démembrement de l’Etat sous forte tutelle ? Est-ce une structure opérationnelle avec sa propre administration et ses effectifs pour exécuter les missions à elle confiées ?
Dans la deuxième partie, nous évoquons certains domaines précis dans lesquels résident les spécificités historiques et actuelles des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, qui sont à évaluer de près dans la structuration d’un éventuel Statut Spécial pour ces deux régions. Il s’agit précisément des domaines dont la gestion centrale ou uniformisée sans un dispositif spécial pour ces régions, est de nature conflictogène. Nous examinons ainsi :
- La régulation des langues officielles : le nombre de locuteurs et la prépondérance de chaque langue officielle dans les régions du pays, et surtout dans ces 2 régions concernées, le dispositif de prestation de services publics, et d’affectation des agents de l’Etat en fonction de leur maitrise des langues officielles ;
- Le double sous-système éducatif en français et en anglais : les tendances régionales et la prépondérance d’adhésion à chaque sous-système dans les régions du pays et surtout dans les 2 régions concernées, les attributions prévues pour les Régions en matière d’éducation, et les fonctions non encore attribuées aux Régions qui sont potentiellement contentieuses (gestion des programmes, du contenu, et des établissements du sous-système, et gestion du personnel enseignant);
- La double culture juridique et l’accès équitable aux normes juridiques supranationales : les domaines du droit non harmonisés (corpus de droit différents applicables dans ces 2 régions), l’adéquation des structures et du processus d’obtention d’un droit national unifié et du dispositif permettant la formulation et l’application adaptée des textes dans chaque culture juridique; et l’extension de l’exigence constitutionnelle du bilinguisme aux instances supranationales émettrices de normes juridiques (CEMAC, OHADA).
Dans la troisième et dernière partie, nous explorons les approches comparées dans la conciliation des particularismes régionaux à l’instar de la dévolution asymétrique, et les traits caractéristiques des États Unitaires classiques, les États avec des Régions à Statut Spécial, et les États Fédéraux.
En lisant ce document, nous invitons nos lecteurs à prendre la mesure du défi que le Cameroun doit relever. Si un important consensus national se dégage sur la prise en compte de la spécificité historique des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et ce à travers l’octroi d’un Statut Spécial à ces deux (2) Régions, le Cameroun aura en matière de mise en place des Régions, à faire le plus, avant de faire le moins. Les institutions régionales et donc « les Régions » en tant qu’acteurs constitutionnellement reconnus ne sont pas en place, donc même la Région « ordinaire » reste à établir.
Mais, vu la crise qui sévit dans les deux régions précitées, le timing permettra au mieux de mettre en place les deux catégories de Régions simultanément, et pourra même exiger de mettre en place le « spécial » avant « l’ordinaire » (donc, l’exception avant la règle). D’où l’importance d’une étude, dont nous signalons quelques repères ici, sur la véritable nature de la région prévue au Cameroun.
Vous pouvez lire notre publication connexe à celle-ci en suivant le lien ci-dessous:
>> Contribution au Livre Blanc legislatif - Statut Special pour les regions du NO et SO
Cordialement,
Auteur: Constitutional Options Project